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Theresa Möller « Dis-Nature »

« Cosmoramas »

Avant d’arriver à Leipzig, Theresa Möller grandit dans la ville portuaire allemande d’Hambourg, située proche de la mer du Nord. À ses débuts, influencée par la richesse et la diversité de l’architecture environnante, peint des sortes de chantiers (« Baustelle » en allemand) chimériques, développant une grammaire visuelle avec avec d’importants points de fuite et de grands aplats colorés.
Cette architecture inspirante a peu à peu laissé place à une toute nouvelle genèse provenant d’un monde intérieur, dans lequel la nature rugit et où les eaux troubles aux temporalités surréalistes ne convoquent la figuration que si on la sollicite. Cette transition dans son travail s’opère au moment où elle s’installe à Leipzig en 2014.

Theresa Möller est d’un tempérament rêveur et son regard est vif ; ses gestes, rapides, précis et décidés. Le délire, quasi-psychédélique, invoque des couleurs qui nous sont jetées aux yeux ; les formes se dessinent ensuite. Néanmoins, l’inspiration n’est pas naturaliste. Les tons sont mauve sucré, bleu poudré, orange fruité, vert canard. Les formes se définissent dans les détails : feuilles, branches et troncs apparaissent si on laisse son regard se fixer. Parfois, les pigments terreux nous rappellent les étés où les lumières sont pourpres. D’autres fois, les turquoises sont froids et font penser à cette force étrange et atemporelle qui nous guette en silence dans l’ombre. Des architectures réapparaissent parfois à travers les lignes d’horizon et les formes géométriques créées par la nature.

Les motifs semblent vivants mais ne sont pas humains. Personne n’est présent, on est face à des cosmoramas dénués de personnages. Un monde souterrain se fait sentir sans que personne n’y apparaisse explicitement. C’est la force des formes et leur énergie qui crée dans notre imaginaire des environnements propices à son évasion et dans lesquels nous pouvons errer. 

Le mystère et la folie des toiles de Theresa Möller ne convoquent aucune narration. Elles laissent volontairement place aux impressions et s’apprécient avec lenteur. L’artiste prend pour rôle de sublimer ce que l’on ne voit pas. Les teintes solaires de sa palette ne sont pas retenues, elles sont puissantes et chacun les percevra selon ses sens. Theresa Möller place son art sur une toile de fond où le monde dans lequel nous vivons semble empreint d’une tragédie lente et incurable défiant la pop culture, rapide et vorace. Sa pulsion est fantasmagorique et la temporalité surréaliste traduit, elle, un monde intérieur tourmenté qui résume aussi les préoccupations contemporaines actuelles.

Texte : Laetitia Gorsy & Eléonore Gros

eng

Theresa Möller grew up in the German port town of Hamburg near the North Sea. In her early years, influenced by the rich and diverse architecture of the city, she painted abstracted building sites (« Baustelle » in German), developing a visual vocabulary with strong vanishing points. The architecture gradually gave way to a whole new genesis coming from an inner world, in which nature howls and tormented waters evolve throughout a surrealistic temporality, and where figurative elements can only appear if you summon them. This transition of patterns in her paintings occurred when the artist moved to Leipzig in 2014. 

Theresa Möller is a dreamer with a sharp eye and brisk, precise, and determined gestures. The psychedelic delirium we dive into appeals to colours that are literally thrown at us. Only then the shapes may appear. Nevertheless, the inspiration is not naturalistic. The shades that the artist uses are sweet mallows, powdery blues, fruity oranges and seagreen. The forms emerge in the details: leaves, branches and trunks are revealed if you focus. Sometimes, the mineral pigments remind us of those summers when the sky becomes purplish. In other artworks, turquoises become cold as they recall this strange and timeless force that awaits in silence, in the shade. Architectures occasionally reappear through horizon lines and geometric forms created by Nature.

The patterns look alive but are not human. We are facing some sort of cosmoramas devoid of protagonists, where the strength and the energy of the shapes build peculiar and eerie worlds for us to wander around. 

The mystery and fantasy contained in Theresa Möller’s paintings do not encourage narrative. They intentionally leave room for feelings, and we must take time to regard them closely. The artist’s role here is to sublimate the invisible. The sunny tones of her palette are powerful and appeal to the subjective senses of the viewer. On Theresa Mölller’s canvases, the world we live in seems to be afflicted by a lethargic and incurable tragedy that defies a fast-paced and voracious pop culture. Her art may appear like a delusion but sums up the major contemporary concerns of our time. 

Traduction : Eléonore Gros

ISBN 978-3-7356-0849-9
Édition trilingue : Français/Anglais/Allemand
64 pages
Printed in Germany
© 2022 Kerber Verlag, Bielefield/Berlin, Galerie Laetitia Gorsy – She BAM!, Theresa Möller and authors / for the works of Theresa Möller: VG Bild-Kunst Bonn, 2022